L’activité collective de millions de neurones dans le cerveau est à l’origine de nos pensées, de nos sensations, de nos désirs et de nos émotions, autrement dit de notre capacité à planifier notre vie. Comprendre quelle est la relation entre cette activité neuronale et notre comportement est la question centrale en neurosciences, et cette question nécessite un modèle physique qui puisse être étudié. L’équipe d’Adrien Peyrache étudie le « GPS » du cerveau chez les rongeurs. En effet, ces animaux sont fascinants dans leur aptitude à explorer leur environnement, à éviter les endroits dangereux et à retrouver leur nid aussi rapidement que nécessaire. Quiconque a observé des rats dans le métro de Paris ou de New York saura de quoi il s’agit!
Lorsqu’il était étudiant de maîtrise, Adrien Peyrache espérait développer des modèles bio-inspirés d’intelligence artificielle, en particulier des modèles de navigation destinés à déterminer comment un agent artificiel pourrait s’orienter dans le monde et apprendre une combinaison unique de signaux sensoriels externes d’un environnement particulier pour planifier des trajectoires au sein de ce dernier. À l’époque, les réseaux neuronaux biologiques connexes commençaient tout juste à dévoiler leurs secrets et, afin d’en apprendre davantage, il s’est rendu dans un laboratoire au Collège de France à Paris où les scientifiques effectuaient des enregistrements neurophysiologiques dans le système de navigation du cerveau. Il a assisté à l’enregistrement réalisé sur un rat endormi et il ne comprenait alors pas les signaux cérébraux qui couvraient l’écran. De là, sa curiosité innée l’a amené à faire son doctorat dans ce même laboratoire, en apprenant le côté expérimental des neurosciences.
Devenu lauréat Killam de l’Institut neurologique de Montréal (INM), Adrien Peyrache estime que lui et sa famille ont de la chance de vivre et de travailler à Montréal. L’INM est l’institut de neuroscience le plus ancien et certainement le plus célèbre du monde, et Adrien Peyrache apprécie le soutien apporté à l’établissement par les fiducies Killam, en particulier les conférences hebdomadaires Killam qui permettent aux étudiants, aux post-doctorants et aux chercheurs d’avoir accès aux recherches scientifiques de pointe dans le domaine et de rencontrer des neuroscientifiques de renommée mondiale.
« Certains de mes plus grands « héros scientifiques » ont travaillé à l’INM : Wilder Penfield, le fondateur, Donald Hebb, et même Brenda Milner que j’ai rencontrée à la cafétéria lors de mon premier jour de travail à l’Institut! Elle a 99 ans et elle enseigne toujours! »
Adrien Peyrache est profondément fasciné par le caractère incertain de ses recherches et le fait que les chercheurs ne comprendront peut-être jamais complètement comment les neurones interagissent les uns avec les autres pour donner naissance à notre vie mentale. Le fait qu’une légère altération de ces réseaux puisse entraîner des troubles débilitants du cerveau est quelque chose qui le tient éveillé la nuit. Il est donc résolu à se concentrer sur la recherche fondamentale et à collaborer avec des experts en maladies du cerveau en vue d’appliquer les techniques expérimentales et analytiques utilisées et développées dans le laboratoire à l’étude des troubles neurologiques.
Fier de ses deux enfants, Adrien Peyrache exprime presque autant de fierté envers la science qu’il étudie tous les jours. Avoir découvert que les neurones sont tout aussi actifs pendant le sommeil que pendant l’état de veille reste une percée importante dans ses recherches. À l’état de veille, le cerveau ne traite pas l’information sensorielle, les signaux sensoriels n’interférant qu’avec les neurones spontanément actifs, alors que ces neurones sont spontanément actifs lorsque nous dormons. En enregistrant les neurones dans le « GPS » du cerveau de souris endormies, Adrien Peyrache et son équipe peuvent même décoder comment les souris se déplacent dans leurs rêves!
« Nous avons également montré comment le cerveau revit les souvenirs récents pour les consolider, en particulier ceux qui comptent le plus. Bref, n’hésitez pas à dormir! »
Passionné par ses recherches et sa famille, Adrien Peyrache est également amateur de musique et de théâtre. Autrefois participant et maintenant spectateur, il attend avec impatience de prendre part à la scène culturelle de Montréal pendant son séjour à l’INM.